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Epuisement professionnel, bien-être, stress, ennui… mais que fait le management ?

Tel est le titre de la séance du 10 avril 2019 des séminaires du Cercle de l’innovation, animée par Emmanuel Abord de Chatillon de l’IAE Grenoble

Nous avons retenu de cet échange quelques idées que nous souhaitons partager :

Notre relation au travail change !

Instauré avec les 30 Glorieuses, le modèle de l’engagement voire du sur-engagement au travail semble aujourd’hui toucher à sa fin. Fini l’espoir du « toujours mieux » : les contreparties (réelles et psychologiques) à l’engagement ne sont plus là : plus de carrière assurée sur le long terme, plus d’évolution constante de la rémunération, plus d’engagement sur la durée, plus de certitudes, et plus de confiance non plus…Depuis nous avons connu les vagues de suicide au travail, l’épidémie d’épuisement professionnel, le stress, l’ennui, l’absence de reconnaissance….

Ces facteurs affectent notre relation au travail. La dégradation des conditions de travail amène les individus à remettre en question le lien au travail comme central dans leur vie. Dans certains cas (personnel soignant par exemple), on se demande s’il y a un épuisement de l’altruisme ? Cette manifestation n’est pas le rejet de l’autre, mais du travail lui-même en tant qu’objet central de nos vies.

L’intensification du travail est permanente depuis les années 80’s. Côté positif : la productivité ! Mais l’intensification est aussi la première cause des pathologies psycho-sociales. Qu’accepte-t-on, et jusqu’où ?

Paradoxalement, certains s’ennuient au travail : on appelle ce phénomène le « bore-out ». Des études menées sur des populations diverses (musée, pompier, fonctionnaire territorial ou central, cadre…) mettent en évidence qu’un tiers de la population cadre s’ennuie plus que les gardiens de musée… Est-ce que quand on s’ennuie, on va moins bien ? Pour 80% des gens, non. En fait, on s’ennuie quand le travail ne fait pas sens. On s’ennuie quand on sait ce que devrait être le travail mais qu’on ne pas l’exercer comme on le voudrait.

Des travailleurs de plus en plus « empêchés » de travailler : pourquoi ?

Le volume des interruptions :
En moyenne, un cadre est interrompu toutes les 4 minutes et n’en n’a plus conscience. Du coup, il se réfugie dans le syndrome de la « to-do list » et choisit de se débarrasser des tâches pour avoir l’impression d’avancer.

L’absence d’appui de son propre encadrement :
Les managers sont en réunion, en reporting, occupés sur des sujets qui les éloignent de la vraie scène du travail. Peu ou pas disponibles, ils n’assurent plus leur rôle de soutien. Ils sont « paralysés », « enfermés » par des systèmes de gestion et des processus de plus en plus complexes. Ils ne peuvent pas exercer leur rôle d’encadrant de façon autonome.

L’importance du lien est oubliée :
L’espace de discussions est de plus en plus restreint dans les organisations. Or ce temps est fondamental. Les hommes sont avant tout des êtres sociaux. Une prise de conscience de l’importance de ces espaces est en cours et leur reconstruction commence.

Les critères de mesure sont incomplets :
Les indicateurs « objectifs » sont liés à la performance, or la QVT est avant tout subjective. Quid de concilier dans la mesure les 3 dimensions : collectif / objectif / subjectif ?

Qu’est ce qui fait que l’on est bien au travail aujourd’hui ?

1) Le lien: travailler avec d’autres, pour d’autres….
2) Le sens : il ne s’agit pas nécessairement du sens signifiant vision. Mais du fait que son travail fasse sens pour soi-même, qu’un individu donne du sens à son travail.
3) L’activité : l’individu a besoin d’une certaine forme et d’un certain niveau d’activité pour déployer ses compétences, ses talents avec une certaine autonomie.
4) Le confort : le parachute du bien-être (quand il ne reste que cela).

Quelles actions le manager met en place pour relever ces défis ?

  • Repenser localement son activité : reconstruire un modèle de relation au travail à un niveau local (une équipe, une entité…). Faire tomber les barrières que le système crée et qui paralysent les individus. Du modèle de l’entreprise libérée, il est intéressant de retenir par exemple le nombre limité de règle : simplifier, rationaliser.
  • Accompagner, aider le vivre et le faire ensemble. Passer du travail individuel juxtaposé à un travail ensemble. Pour se faire, le manager développe une culture du management participatif, il apprend à animer et faciliter les réunions pour que chacun y participe au profit du collectif.
  • Repenser l’équilibre vie professionnelle / personnelle : savoir récupérer, avoir des activités fondamentalement différentes de son travail. Repenser cet équilibre est fondamental et les managers ont un rôle d’exemplarité à jouer.

Auteurs : Albert David,  Cercle de l’Innovation  & Sylvaine Scheffer, Coévolution